Les femmes excellent comme jamais auparavant dans l’écosystème technologique canadien en misant sur les idées et les résultats, et non pas sur les obstacles. Nous avons interrogé 25 femmes de l’écosystème des entreprises en démarrage pour trouver ce que l’écosystème fait de bien et ce qu’il peut améliorer.
Il est essentiel pour l’innovation canadienne et l’économie mondiale de créer un écosystème technologique inclusif qui reconnaisse, soutienne et valorise les idées novatrices, d’où qu’elles viennent. Pour les femmes d’affaires, les investisseuses et les dirigeantes canadiennes, ces efforts ont certainement porté fruit, car les discussions sur l’inclusion ne portent plus sur les obstacles à la réussite, mais sur l’action et les occasions. Au lieu de se concentrer sur les difficultés, les femmes mettent en lumière leurs réalisations et démontrent le potentiel et le pouvoir qu’un leadership diversifié apporte aux entreprises canadiennes. Cette nouvelle perspective est essentielle pour favoriser un écosystème diversifié qui profitera à toutes les parties prenantes dans les prochaines années.
Pour mieux comprendre l’évolution du rôle des femmes dans l’écosystème technologique canadien, nous nous sommes entretenus avec 25 fondatrices et cheffes de la direction, investisseuses, accélératrices et expertes de l’écosystème représentant un éventail de perspectives, de secteurs et de stades de croissance.
Ce que nous avons appris, c’est que le chemin vers un paysage véritablement inclusif est complexe, mais pas inaccessible. Cela nécessite un changement systémique qui définira les occasions pour la prochaine génération de dirigeants et ouvrira les portes à de nouvelles perspectives qui conduiront à un changement important et orienté vers le marché.
Miser sur les idées et les résultats en vue d’exploiter les avantages de la diversité
Tout au long de nos échanges avec les principales femmes concernées, un thème prédominant a émergé : ces dirigeantes ne s’intéressent pas spécialement aux discussions sur les mouvements ni aux récits parlant de sous-estimation ou d’infériorité numérique. Elles veulent se concentrer sur la conception d’un écosystème dans lequel la réussite est déterminée par les idées et les résultats, et non par le sexe.
« Ce dont nous avons besoin de parler à l’heure actuelle, c’est du pouvoir de la collaboration, de l’impératif de rapidité et de la demande de résultats significatifs », déclare Sue Paish, cheffe de la direction de Digital Supercluster. « Il existe une énorme possibilité de faire progresser l’innovation en célébrant la diversité des expériences et des perspectives qui alimentent l’innovation, en laissant de côté les anciens récits sur les différences et en mettant l’accent sur la collaboration. En tirant parti de la diversité, de nouvelles occasions se présenteront et, en fin de compte, des bénéfices plus importants pour tous.
Lors de nos entretiens, nous avons posé la question suivante à chaque personne : « Si vous pouviez changer une chose, quelle serait-elle et pourquoi ? » Beaucoup ont répondu que nous ne devrions pas parler de « fossé entre les sexes » en 2025. Bien qu’il soit important, il n’est pas tout. Nous devons reconnaître l’intersectionnalité, les hommes et les femmes étant différents, ainsi que la présence de différences dans l’ensemble de l’écosystème technologique. Ne pas reconnaître les différences dans notre écosystème peut conduire à manquer des occasions en matière d’innovation, de développement économique, de marchés inexploités et de retours sur investissement.
« La véritable innovation se produit lorsque nous arrêtons de nous concentrer sur ce qui nous démarque et que nous commençons à comprendre comment l’intersectionnalité de l’âge, de la race et du sexe enrichit nos perspectives. »
« La véritable innovation se produit lorsque nous arrêtons de nous concentrer sur ce qui nous démarque et que nous commençons à comprendre comment l’intersectionnalité de l’âge, de la race et du sexe enrichit nos perspectives », affirme Sarah Wilkinson, cheffe de la direction de Dr.Bill. « Au cours de ma vie et de ma carrière, les différents points de vue auxquels j’ai été confrontée ont été d’une valeur inestimable et m’ont amenée à penser différemment et à accomplir davantage. En tirant parti de ces différentes expériences, nous pouvons faire avancer les choses à l’échelle collective et façonner l’avenir de nos industries. »
Les informations recueillies au cours de nos entretiens constituent la base de nos recommandations visant à tirer parti de la diversité dans l’écosystème du capital-risque au Canada et à en faire bénéficier toutes les parties prenantes.
Le financement repose sur le rendement et le potentiel, et non sur l’identité
Les fondatrices d’aujourd’hui se concentrent de plus en plus sur les résultats et le potentiel, plutôt que sur le sexe, afin d’obtenir un capital de démarrage et de contribuer à mettre les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes au sein de l’écosystème. Cette stratégie s’appuie sur le fait que les entreprises dirigées par des femmes sont souvent plus performantes que celles fondées par leurs homologues masculins.
D’après une étude menée par BCG, les entreprises fondées par des femmes génèrent 2,5 fois plus de revenus par dollar investi que celles fondées par leurs homologues masculins. Selon un rapport de PitchBook de 2022, les entreprises qui ont été fondées ou cofondées par des femmes entre 2012 et 2022 ont surpassé celles de leurs homologues masculins en termes de valorisations de sortie, avec une valorisation médiane de 27 millions de dollars US, comparativement à 21 millions pour les équipes composées uniquement d’hommes.
Les entrepreneuses avec qui nous avons échangé souhaitent vivement attirer l’attention sur les mesures axées sur le marché afin de garantir que les décisions de financement soient fondées sur les principes fondamentaux des affaires, plutôt que sur l’identité, en mettant l’accent sur la valeur inhérente que la diversité des sexes apporte aux entreprises.
« Ce que nous faisons mal, et que nous n’avons pas réussi à faire à l’échelle collective, c’est de vendre la proposition de valeur des femmes, leur apport ainsi que leurs compétences particulières », déplore Karimah Es Sabar, directrice générale et associée commanditée de Quark Venture LP. « Une combinaison de femmes et d’hommes dans les entreprises est idéale pour former des équipes à fort impact. Certains des meilleurs conseils d’administration sont composés d’hommes et de femmes, et non d’un seul de ces groupes. Un grand nombre de cheffes d’entreprise affichent généralement une productivité et un rendement supérieurs par rapport à leurs pairs masculins. »
Une étude complète réalisée par McKinsey sur le lien existant entre la diversité des dirigeants et le rendement des entreprises plaide fortement en faveur de la diversité ethnique et de la présence d’hommes et de femmes au sein des équipes de direction. En 2023, les entreprises situées dans le quartile supérieur de la représentation des femmes avaient 39 % plus de chances de réaliser un surrendement financier (classement au-dessus de la rentabilité médiane des autres entreprises du même secteur et de la même région) par rapport aux entreprises du quartile inférieur, contre 15 % en 2015.
Par ailleurs, l’avantage financier que présente la diversité ethnique est constant depuis 2015, année où le quartile supérieur des entreprises diversifiées sur le plan ethnique avait une probabilité de surrendement de 33 %, contre 39 % en 2023. De plus, les entreprises qui se situent dans le quartile supérieur en termes de diversité sexuelle et ethnique au sein des équipes de direction ont en moyenne 9 % de chances de plus de surpasser leurs homologues.
S’il est évident que l’écosystème a évolué pour accroître les possibilités de financement des femmes et d’autres groupes sous-représentés, il n’en reste pas moins que des préjugés hérités du passé subsistent et que les efforts concertés visant à les surmonter doivent perdurer. Des flux de financement distinct réservés aux fondateurs issus de la diversité des sexes sont toujours nécessaires. Cependant, la solution à long terme consiste à intégrer les entreprises fondées par des femmes dans des portefeuilles de capital-risque classiques. Des initiatives telles que des argumentaires anonymes ou des systèmes de notation pourraient également contribuer à réduire les préjugés, ainsi qu’à minimiser les perceptions erronées selon lesquelles les fondateurs reçoivent du financement en raison de leur sexe ou de leur identité.
En outre, les sociétés de capital-risque peuvent faire des efforts pour augmenter le nombre de femmes et d’investisseurs diversifiés au niveau des associés afin d’ajouter des voix diverses aux comités de placement et de limiter les préjugés. Cela permet de veiller à ce que l’allocation du capital reflète mieux les réalités du marché et de repérer les marchés potentiels représentatifs de l’évolution démographique du Canada d’aujourd’hui qui pourraient être systématiquement négligés et mal desservis.
« Les équipes diversifiées sont plus performantes », assure April Hicke, cofondatrice de Toast, un collectif de femmes du secteur des technologies. « Quand nous pensons à la diversité, nous pensons à la race, au sexe et à l’orientation sexuelle, mais ce qui vient réellement avec ces différences et ce que nous recherchons, c’est une diversité de pensée, d’expérience et de parcours de vie. »
Des outils pour naviguer dans l’écosystème
Les fondateurs qui tirent profit de partenariats stratégiques avec des accélérateurs, des sociétés de capital-risque et des réseaux de conseil sont souvent mieux outillés pour accélérer la croissance de leur entreprise en démarrage. Les femmes dirigeantes ont depuis longtemps mis l’accent sur la création d’un écosystème, à la fois comme mécanisme de soutien et comme approche stratégique afin d’étendre la portée, les capacités et l’accès au marché. Au Canada, un système solide soutient les efforts des entreprises en démarrage dirigées par des femmes pour développer leur réseau avec des investisseurs et des pairs grâce à des programmes tels que des accélérateurs et des incubateurs axés sur les femmes.
« lorsque nous consacrons cet espace au soutien des femmes, nous les exposons davantage à l’écosystème, ce qui contribue à lutter contre les stéréotypes. »
Selon Victoria Xu, investisseuse providentielle et fondatrice de CleanInnoGen, « lorsque nous consacrons cet espace au soutien des femmes, nous les exposons davantage à l’écosystème, ce qui contribue à lutter contre les stéréotypes. Nous savons qu’il ne devrait pas y avoir de discrimination fondée sur le sexe. Néanmoins, si nous ne sommes pas exposés à un suffisamment de cas de réussite, notre cerveau continue automatiquement à reconnaître les schémas. »
Ce type de programme peut aider les femmes entrepreneuses à surmonter les préjugés auxquels elles peuvent être confrontées lors de leur recherche de financement. Une étude effectuée par la Harvard Business Review sur les interactions entre les sociétés de capital-risque et les entrepreneurs a révélé que les sociétés de capital-risque avaient tendance à poser des questions sur les possibilités de gain (questions de promotion) aux entrepreneurs, et des questions sur les possibilités de perte (questions de prévention) aux entrepreneuses. Ce préjugé était répandu aussi bien dans les sociétés de capital-risque gérées par des hommes que celles gérées par des femmes. Cette différence au sujet des questions posées a débouché sur une énorme disparité de financement, les entrepreneuses ayant recueilli, en moyenne, 3,8 millions de dollars de moins, pour chaque question de prévention supplémentaire posée.
SheBoot, qui est un programme dirigé par des femmes et un fonds de placement pour les entreprises technologiques dirigées par des femmes, aide les femmes à surmonter cet obstacle par des programmes et des ateliers, comme des « questions aux investisseurs ». Selon Julia Elvidge, présidente et cofondatrice de SheBoot, « l’atelier consiste à aider les fondatrices à reformuler les questions de prévention pour les transformer en questions promotionnelles en vue de guider et de mener la discussion avec les investisseurs. »
Sarah Daniele-Martineau, directrice générale et cofondatrice de Mydoma, témoigne de l’importance des espaces consacrés aux femmes dans l’écosystème des entreprises en démarrage, tels que le programme d’accélérateur L-Spark qu’elle a suivi. « J’ai rencontré des personnes fabuleuses, développé mon réseau, noué des relations durables avec des personnes qui ont investi dans notre entreprise et qui se sont même jointes à notre conseil d’administration. Les occasions de réseautage ont été précieuses et ont eu un impact sur moi. »
Le Canada compte de nombreuses organisations, des accélérateurs aux fonds de capital-risque, qui aident les fondatrices à faire évoluer leur entreprise en démarrage, y compris les suivantes :
The Forum – Organisme de bienfaisance national qui a formé, encadré et encouragé plus de 18 000 entrepreneuses au Canada depuis 2002.
WeBC – Offre du soutien aux femmes pour créer, développer, diriger et faire évoluer leur entreprise dans toutes les régions de la Colombie-Britannique.
Organisations d’entreprises de femmes du Canada (OEFC) – Soutient une diversité d’organisations membres qui ont des répercussions directes sur la croissance et la réussite d’entrepreneuses, et offre le Programme national de prêts d’OEFC.
SheBoot – S’attaque au manque de financement des entrepreneuses en augmentant le nombre de femmes qui font et qui reçoivent des investissements.
The Firehood – Mouvement basé sur l’adhésion qui vise à accroître la participation, le leadership et la prospérité des femmes dans le secteur des technologies.
W Venture – Propose des programmes en direct et de haut niveau pour les femmes audacieuses ayant des objectifs ambitieux à chaque étape de leur vie professionnelle.
Sandpiper Ventures – Fonds de capital-risque ciblant les entreprises en démarrage qui investit dans les femmes et l’innovation féminine.
The51 – Fonds de capital-risque et plateforme Financial Feminist™ où les investisseurs et les entrepreneurs démocratisent l’accès au capital pour les femmes et les fondateurs issus de la diversité des sexes.
Women’s Equity Lab (WEL) – Communauté d’investisseuses du monde entier qui gère un portefeuille de placements en pleine expansion. Plus de 70 % des placements de WEL sont réalisés dans des entreprises dirigées par des femmes.
Stand Up Ventures – Investit dans les entreprises technologiques à but lucratif en phase d’amorçage, qui comptent au moins une femme dans un poste de direction de niveau C, et qui affichent un pourcentage de participation équitable.
Accélérateur Femmes du secteur des technologies propres RBC offert par MaRS – Recrute entre 7 et 10 entrepreneuses pour un programme de deux ans afin de les aider à transformer leurs idées en produits de technologie propre prêts à être commercialisés et susceptibles d’avoir une incidence mondiale.
Natasha Kostenuk, cofondatrice et cheffe de la direction de Ayrton Energy, encourage les entrepreneuses à participer aux programmes partout au Canada. « Nous n’aurions pas eu le succès que nous avons connu jusqu’à présent sans l’accélérateur Femmes du secteur des technologies propres RBC. Celui-ci nous a beaucoup aidés à entrer en contact avec des investisseurs et avec un réseau de pairs extrêmement précieux », confie Natasha Kostenuk. « Ce que je conseille à la prochaine cohorte, c’est de s’appuyer sur le groupe, de participer à toutes les activités et de prioriser les réunions et les événements consacrés aux femmes dans le secteur des technologies propres afin de maximiser la valeur que le programme a à offrir. »
Options de capital flexibles
Des options de capital flexibles et réalistes, conçues pour élargir la définition du fondateur et de l’investisseur canadien, peuvent contribuer à surmonter les préjugés de longue date et à débloquer de nouvelles occasions. Il est intéressant de noter que 70 % des fondateurs d’entreprises licornes (valeur de plus d’un milliard de dollars) sont des femmes, des personnes de couleur ou des immigrants, d’après une étude menée par Defiance Capital.
Les investisseurs qui comprennent que les structures de financement doivent évoluer en même temps que les demandes des marchés émergents contribueront à soutenir une plus grande variété de voies et d’horizons de croissance.
« Nous devons redéfinir le risque, reconnaître les différents modèles et mesures, ainsi que la manière dont nous définissons la réussite »
« Nous devons redéfinir le risque, reconnaître les différents modèles et mesures, ainsi que la manière dont nous définissons la réussite », déclare Jill Earthy, cheffe de la direction du fonds de placement stratégique InBC. « Les femmes ont souvent une vision et des résultats plus réalistes. Leurs projections ont également tendance à être très prudentes. »
Des portefeuilles de capital-risque qui privilégient des modèles de financement novateurs et adaptés aux fondateurs, aux accélérateurs offrant des conditions souples, le paysage canadien de l’innovation commence à soutenir des entreprises disposant d’options de capital flexibles. Le fonds d’impact canadien Spring Impact Capital propose un modèle permettant de prendre des décisions de financement qui cadrent avec les besoins variés des entreprises. Dans l’optique de réduire au minimum les inégalités potentielles entre les bénéficiaires de fonds de capital-risque, il a élargi la définition d’investisseur d’impact et redéfini les paramètres d’un placement réussi.
« Les entrepreneuses ont moins d’expérience dans la recherche de financement. Toutefois, même si elles ne sont pas moins expérimentées, la mentalité veut que l’on donne moins aux femmes qu’aux hommes », explique Mme Sabar, ajoutant que les femmes ont des caractéristiques de grande valeur qui risquent d’être négligées, pensons notamment au fait qu’« elles savent jongler entre leurs responsabilités et ont l’habitude de faire plusieurs tâches à la fois.. Elles gèrent très bien leur argent. »
La définition d’attentes réalistes peut aider à construire un écosystème inclusif et équilibré qui reconnaît qu’il a besoin de plus que des entreprises licornes. Les entreprises en démarrage qui se concentrent sur la rentabilité, la durabilité et l’impact social (appelées « entreprises zèbres ») jouent un rôle essentiel, et l’expansion de leur activité économique au Canada devrait également constituer une priorité. Comme l’indique Jill Earthy, « les zèbres sont réels, contrairement aux licornes ».
La mise en place d’un écosystème technologique qui fait progresser les idées les plus novatrices du pays est cruciale pour l’innovation au Canada et pour sa prééminence dans l’économie mondiale. Cette réussite passe par le soutien de la diversité sous toutes ses formes, des idées aux fondateurs, en passant par les marchés émergents.
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